Violences conjugales : un délit banalisé en Russie

Une femme meurt des coups d’un proche toutes les 63 minutes en Russie. Depuis 2017, les violences intrafamiliales “sans séquelles graves” ne sont plus punies d’une peine de deux ans de prison, mais sont passibles d’une amende de 30 000 roubles (470 euros). Laura Poggioli aborde ce sujet dans son nouveau roman, 3 sœurs.

Selon les chiffres fournis par le ministère des Affaires Intérieures en Russie, environ 14 000 femmes sont tuées chaque année par un conjoint ou un membre de leur famille et 16 millions de femmes seraient confrontées à des violences dans leur foyer tous les ans (2020). Trouver des chiffres fiables et récents de la situation actuelle reste une tâche difficile, car les violences domestiques sont rarement identifiées comme un délit dans le pays et que les victimes ne témoignent que très rarement.
Les violences conjugales ne sont pas russes
Laura Poggioli aborde le sujet des violences domestiques russes à travers son roman, 3 sœurs (2022, Iconoclaste). Elle raconte l’histoire des trois sœurs Khatchatourian qui, en juillet 2018, ont commis un parricide à la suite d’années de violences subies. En parallèle, l’écrivaine raconte sa propre histoire, celle d’une ancienne relation de couple, à l’époque où elle vivait à Moscou. “Utiliser ma propre histoire dans ce livre, c’était aussi un moyen de montrer que la violence des hommes dans ce pays n’est pas synonyme de père tyrannique. Il y a de nombreuses formes de violences”, explique-t-elle. Elle insiste sur le fait que « c’est un problème structurel mondial, qui ne concerne bien sûr pas que la Russie. »
Avant d’oser poser des mots sur ses maux, Laura Poggioli a hésité : “Je n’avais peut-être pas envie au départ de raconter mon histoire, je me disais que ça n’allait pas donner une bonne impression de la Russie. Mais en même temps, c’est une réalité sociétale dont on ne parle que très peu.”
Peu de réactions à l’international
“La Russie a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)”, indique Laura Poggioli, notamment pour son manque de pénalisation concernant les violences conjugales et familiales. Le vendredi 9 avril 2021, la Cour constitutionnelle russe avait tranché en faveur d’un durcissement de la législation sur les violences domestiques. Mais, en décembre de la même année, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a exclu ce durcissement, en justifiant par ces mots : “Les forces de l’ordre font les efforts nécessaires”.
En France, la sénatrice Laurence Rossignol est l’une des seules à dénoncer cette situation. Le 3 mars 2022, au début du conflit russo-ukrainien, elle tweete : “ Peu de commentateurs de la nature du régime de Vladimir Poutine citent la loi de dépénalisation des violences faites aux femmes et enfants, en 2017. Ça en dit pourtant beaucoup sur la Russie de Poutine. Et l’omission en dit un peu sur nous.”
Roxane VOLCLAIR et Laura HUE