« Si on était intéressants, on n’écrirait pas d’histoires, on les vivrait »

« Si on était intéressants, on n’écrirait pas d’histoires, on les vivrait »

L’édition de 2021 du festival de Mouans­-Sartoux a choisi, à l’unanimité, Marin Fouqué pour la dixième résidence d’écrivain. Il y préparera son nouveau projet pendant trois mois, aux mois d’août, octobre et novembre. Rencontre avec l’auteur de 77 et G.A.V qui est aussi performer et poète. 

Marin Fouqué, Mouans-Sartoux t’accueille dans sa résidence d’écrivain. Explique ­nous comment cela s’est passé ? 

En tant qu’auteur on devait, de notre propre initiative, postuler. Une fois cette étape passée, notre candidature était soumise à une commission qui étudiait notre demande. Si notre dossier était retenu, on passait un oral face à cette même commission. C’est un honneur que cette année mon nom ait été retenu et j’ai, aussi, le privilège d’avoir été nommé coprésident du festival pour cette 34ème édition. C’est la première fois que je viens à Mouans­-Sartoux et dans la région en général. 

Pourquoi avoir choisi de postuler ? 

C’est directement lié à l’écriture de mon prochain roman. Le personnage principal a pour rêve d’aller à la mer. Pour écrire, j’ai besoin de ressentir les choses et de m’imprégner de l’environnement. Ici j’ai toutes les odeurs du sud, le jardin de la MIP (Les jardins du Musée International de la Parfumerie) est l’endroit idéal pour ça et je ne suis pas au bord de la mer, exactement comme mon personnage. Mouans­-Sartoux est en quelque sorte le village parfait pour créer l’univers autour de ce protagoniste. Mais je ne vais pas seulement concevoir mon nouvel ouvrage, je vais aussi animer des ateliers d’écriture dans des collèges et à la prison de Grasse. 

Lors de la rédaction de ton précédent roman, G.A.V, tu étais manutentionnaire. Maintenant que tu ne l’es plus, qu’est ce qui a changé ? 

Ça me permet de sortir du quotidien, de ne plus me dire : “OK, là je dois me lever à 8h30 pour écrire parce que cet aprèm je bosse.” Je me sors de ma routine. Et puis, être logé ici me permet de rencontrer des gens ! Par exemple, je loge avec l’artiste Safia Bahmed­Schwartz avec qui j’ai un projet de roman graphique. J’ai aussi vu l’équipe du festival qui a une énergie dingue et qui fait un taff formidable. 

En plus d’être auteur, tu fais des performances sur scène. En quoi ça consiste ? 

Je fais du rap, de la poésie performée et des textes déclamés mais, et j’insiste vraiment là­dessus, pas du slam. J’insiste dessus parce qu’encore aujourd’hui, on qualifie mes performances comme du slam. Dans mes performances, j’expérimente beaucoup avec de la musique, des cris, le public. C’est vraiment une forme hybride. 

Pourquoi cette distinction ?

Pour moi, et ça n’engage que moi, le slam c’est du rap de blanc : c’est insipide. C’est une forme de rap jugée acceptable car ça ne dérange pas. On y dit des choses, mais sans trop le faire. Ça ne correspond pas à ma culture. Je ne kiffe pas non plus cette idée de tournois et de notes qu’il y a dans le slam. C’est basé sur quoi ? Quel critère pour noter ça ? Je ne sais pas, je ne trouve pas ça pertinent. 

Ce dimanche, tu participes à 16h30 à un entretien au côté d’Adeline Dieudonné et d’Hadrien Bels sur la “génération montante”. Qu’est­-ce ­que tu attends de cette rencontre ? 

Je pense que ça va être intéressant de discuter avec eux. J’attends particulièrement de pouvoir échanger avec Adeline Dieudonné. Je me suis intéressé à ses œuvres, à son écriture que je trouve très prenante. Elle a une posture sincère et honnête. Elle n’a pas une écriture sur soi. En tant qu’auteur, on a conscience d’où on écrit. J’ai du mal avec les écrivains qui se pensent dotés de capacités universelles et omniscients. Par exemple, ils vont nous parler de l’immigration alors qu’ils n’ont jamais vécu ce qu’est l’arrachement. Je trouve souvent les auteurs peu prenants. Je pense moi­même ne pas l’être. Si on était des personnes intéressantes, on n’écrirait pas des histoires, on les vivrait. 

Recueillis 

par Arthur GROLLET 

et Tanguy TRICOIRE

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