> Interview avec Marine de Tilly, écrivaine et grand reporter
« La guerre défigure l’humanité »

> Interview avec Marine de Tilly, écrivaine et grand reporter« La guerre défigure l’humanité »

Tout droit revenue d’Arménie, Marine de Tilly se confie à propos de son livre « La femme, la vie, la liberté » qui a inspiré le film 9 jours à Raqqa, diffusé au festival de Mouans-Sartoux.

Quel a été le processus de création du film ?
« J’avais prévu un voyage à Raqqa dans le but d’écrire un livre sur la nouvelle maire, Leila
Mustapha. Deux mois avant mon départ, Xavier de Lauzanne m’appelle. Il avait entendu parler
de mon projet. Il me dit qu’il veut en faire un film. Immédiatement, j’ai dit non. Déjà que, toute seule, je galère comme une dingue à passer dans ces zones, il allait arriver avec sa grosse caméra et son équipe, je ne pouvais pas prendre cette responsabilité. C’était une super idée, mais c’était dangereux. C’est
finalement mon éditeur qui m’a convaincue donc j’ai dit oui. Maintenant, on se connaît très bien, une histoire comme celle-là, ça rapproche. Il a été extrêmement discret sur le tournage, il n’intervenait jamais. En rentrant, j’écris le livre et j’envoie la copie à Leila qui le valide. Je le publie et 1 an après sort le film 9 jours à Raqqa. »

« Au début, j’ai dit non au réalisateur« 

Marine de Tilly

Comment avez-vous rencontré Leila Mustapha ?
« Au début, ça a été très long de tisser des liens. D’une part, parce qu’elle ne parle que kurde
et arabe et mon arabe n’est pas assez bon pour développer de longues conversations. Il y
a toujours un ou une traductrice entre nous et quand il n’y en a pas c’est Google
traduction. Autant vous dire qu’on a beaucoup ri face à certaines traductions maladroites.
Et la deuxième chose, c’est qu’elle est kurde, syrienne et qu’elle vit à Raqqa. Pour elle, un
journaliste n’est pas forcément un ami, mais plutôt un sbire, un homme de main du
régime. Mais maintenant on a une relation très forte. Pour écrire à la première personne du
singulier à la place de quelqu’un qui n’est pas vous, il faut avoir froid quand elle a froid,
peur quand elle a peur. Il faut penser comme elle. Leila est un miracle. Elle ne devrait même pas exister cette femme. Une Kurde à Raqqa chez les Arabes dans la capitale du califat, déjà, il y a quelque chose qui ne colle pas. Pourtant, elle inspire la liberté. »

Le film et votre livre semblent s’inscrire dans le thème du festival, « Être
humain ? »…

« Vous savez, je crois que mon boulot en tant que journaliste c’est d’aller montrer les coins
où il fait noir, à quel point la guerre défigure l’humanité. Mais je pense aussi que notre travail, c’est de donner une voix puissante à tous ceux et toutes celles qui essaient de redonner un nouveau visage à l’humanité. Leila en fait partie. Après avoir couvert cette guerre épouvantable en Syrie, c’était important de ne pas parler que des « méchants » dans les médias occidentaux. On parle assez peu des lumières, on
parle beaucoup de la nuit. Certes, cette dernière existe, c’est notre boulot d’en témoigner. Mais il faut aussi montrer ceux qui essaient de reconstruire. Il y a du monde pour faire la guerre, un peu moins pour faire la paix. »

Recueillis par Laura Hue et Brieuc Leturmy

9 jours à Raqqa

Présenté en sélection officielle au festival de Cannes en 2020 et réalisé par Xavier de Lauzanne. 9 jours à Raqqa est le premier film de la trilogie La vie après Daesh. Il raconte l’histoire de Leila Mustapha, 30 ans, ingénieure en génie civile et trois fois major de sa promotion. Elle devient maire de Raqqa en 2016 après la libération de la ville, anciennement aux mains de l’état islamique. Sa mission est de reconstruire l’ancienne capitale de Daesh tout en étant plongée dans un monde exclusivement masculin. Mais au delà des bâtiments, elle doit aussi rebâtir la paix entre les différentes communautés présentes à Raqqa. Un film, qui narre la rencontre entre une écrivaine française venue mettre en lumière cette reconstruction et Leila Mustapha. 

Le film sera diffusé ce soir à 18h au cinéma La Strada. S’ensuivra un entretien avec Marine de Tilly, auteure du livre qui a inspiré le film La femme, la vie, la liberté

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