« Animal participe à la création d’une culture du vivant »

Deux adolescents engagés pour le climat partent à la découverte du vivant. Animal, la nouvelle production de Cyril Dion, réalisateur du film à succès Demain (2015), suit la quête de Bella et Vipulan, activistes pour le climat depuis leurs 16 ans. Le documentaire est diffusé en avant-première au Festival du Livre de Mouans-Sartoux le vendredi 1er octobre à 20 h 30. Vipulan, désormais étudiant à Paris, raconte son expérience lors du tournage.
Comment est-ce que tu as vécu le tournage d’Animal ?
Moi, je ne suis pas comédien, je ne suis pas voué à faire une carrière dans le cinéma. Ce n’est pas le tournage qui a été le plus intéressant, mais plutôt les rencontres.
Quelles rencontres t’ont marqué ?
La rencontre avec Baptiste Morizot, qui intervient longuement dans le film, a été un grand coup de cœur. J’ai même lu ses livres après le tournage. Baptiste est un philosophe du vivant, il a beaucoup travaillé sur la relation entre les loups et les Hommes. Dans ses ouvrages, il essaye de repenser la relation entre le vivant non-humain et le vivant humain. C’est un champ de recherche qui n’est pas beaucoup étudié en France. Nous sommes restés en contact après le projet et cela a vraiment bien fonctionné entre nous
Dans le film, tu voyages à travers le monde. Est-ce que tu as réfléchi à la pollution due aux déplacements en avion avant d’accepter le projet ?
Je me suis posé la question et j’ai réfléchi une semaine avant d’accepter la proposition de Cyril. J’en suis venu à la conclusion que l’impact du film était largement supérieur au fait qu’on prenne l’avion. Par ailleurs, je ne prends pas l’avion pour le plaisir, pour des vacances à Bali par exemple.
Deux ans après le tournage d’Animal, en quoi consiste ta vie ?
J’étudie les sciences pour un monde durable à l’université Paris Sciences et Lettres. Je participe à des projets concrets avec le mouvement Youth For Climate en défendant des espaces écologiques.
Qu’est-ce que tu entends par « des espaces écologiques » ?
Il faut d’abord définir ce qu’est l’écologie : historiquement, l’écologie, c’est une science qui étudie les relations entre le monde vivant et son milieu de vie. Donc à partir de cette définition, pour moi, l’écologie en tant que lutte politique doit être une lutte qui vise à repenser et acter des relations nouvelles. Des relations libérées et libératrices entre le vivant humain et le vivant non-humain. Cela implique de combattre le racisme, le patriarcat, le validisme… Les espaces écologiques sont pour moi des espaces où ces formes d’oppression n’existent pas. Ce sont aussi bien les jardins d’Aubervilliers, qui ont été évacués récemment, qu’un squat militant, qu’une ferme en permaculture, que les forêts en libre évolution… Ainsi, je fais un pas de côté par rapport à l’environnementalisme, qui serait l’idée de préserver une nature extérieure aux humains. C’est un fantasme absolument faux. En pratique, ça conduit à des absurdités comme les réserves néocoloniales ou une hiérarchisation des luttes, en considérant que le changement climatique est plus important que les autres luttes. Il y a des gens qui meurent aussi de féminicide, de violence policière ou de violence au travail.
Qu’est-ce que ce projet t’a apporté du point de vue de ta lutte personnelle contre le changement climatique ?
Et bien justement, on peut dire que je suis passé d’une pensée environnementaliste à une pensée écolo grâce au documentaire et à mes lectures personnelles. Avant, je centrais un peu tout autour du changement climatique. Maintenant, j’ai une vision globale de cette thématique.
Selon toi, qu’est-ce que le film peut apporter au public ?
Justement, Baptiste Morizot explique qu’aujourd’hui nous sommes dans une crise de la sensibilité. Nous n’avons plus d’affects, plus d’histoire, plus d’anecdotes sur le vivant non-humain. Face à cela, il propose de former une alliance entre, premièrement, une culture des luttes dont nous avons hérité en France : il y a eu récemment les gilets jaunes, les grèves pour le climat, les manifestations Black Lives Matter, la grève contre la réforme des retraites, la ZAD de Notre Dame des Landes… Et deuxièmement, une culture du vivant qui viserait à créer une nouvelle considération politique du vivant. Cela permettrait de réduire la frontière entre le vivant humain et le vivant non-humain. Le film Animal participe à cette culture du vivant.
Propos recueillis par Raphaëlle HUTIN
Photo DR